Umm Balad, saison décembre 2002-Janvier 2003


La seconde et dernière campagne de fouille à Umm Balad s'est déroulée du 24 décembre 2002 au 27 janvier 2003. Les participants étaient : H. Cuvigny (chef de chantier, papyrologue), A. Bülow-Jacobsen (papyrologue, photographe), J.-P. Brun, I. Sachet, E. Botte (archéologues), Kh. Zaza (dessinateur), Ayman Hindi (inspecteur des antiquités). Du 28 au 30 janvier, H. Cuvigny et A. Bülow-Jacobsen ont travaillé au magasin du Service des Antiquités de Qift où ils ont fait des raccords et des photos.

La fouille dans le fort
Le fort a été partiellement dégagé et relevé en 2001/2002 par M. Reddé. En complément, au cours de la campagne 2002/2003, nous avons procédé à la fouille des pièces n°5, 36-90, 39, 43, 74, 75.

La pièce 5 est située à gauche de l'entrée du fort. Ce local carré mesure 2 m de côté. On y accédait depuis l'allée centrale par une porte dont le seuil est conservé. Des éboulis qui l'encombraient est sorti un fragment de l'inscription dédicatoire du fort. Le sol originel US3 est en contrebas d'une dizaine de centimètres et repose sur un remblai destiné à niveler le substrat vierge. Il était partiellement recouvert d'une natte en sparterie, deux fonds de vase et la panse d'une amphore de Tripolitaine. Un second sol en argile le recouvrait (US 2). Le matériel céramique correspond à celui des dépotoirs extérieurs. Un grand fragment de panse d'amphore Tripolitaine et des tessons d'amphore égyptienne en constituent l'essentiel. Vu ses dimensions et son emplacement à côté de l'entrée du fort, la pièce 5 pourrait être un point de contrôle.

La pièce 43 fait face à la pièce 5 : c'est la première à droite pour qui entre dans le fort. Rectangulaire, elle mesure 9 m de long par 3 m de large. Au fond se trouve une banquette haute de 0,50 m et adossée au mur nord. Sur le sol US02, de grandes quantités de crottin révèlent qu'il s'agit d'une écurie (c'est la première écurie identifiée à l'intérieur d'un praesidium du désert Oriental). La banquette est peut-être un support de mangeoire. À 0,90 m de cette banquette se trouve un foyer construit en pierres et en briques ; construit sur le niveau de crottin, il appartient à une phase postérieure à l'utilisation du local comme écurie. Il s'agit d'une forge : une des briques a conservé l'empreinte d'un soufflet et quelques scories ont été retrouvées. Une auge carrée en granit rose (50 cm de côté) gisait à proximité dans les décombres (dim. ext. : 50 cm de côté ; dim. int. : 35 cm x 11 cm de profondeur, soit une contenance d'environ 12 litres) : ce pourrait être un abreuvoir remployé comme bassin de trempe.

Pièces 36, 37 et 90. La pièce 37 forme un couloir mettant en communication la placette située devant la citerne avec un petit ensemble thermal formé par les pièces 36 et 90. La première pièce (n° 36), mesure environ 4,90 m de longueur par 1,55 m de largeur (dimensions interieures). Au sud, elle s'accole au rempart. Elle est entourée de murs bâtis à l'argile et mesurant entre 0,40 et 0,60 m d'épaisseur.
 On accède à la pièce 36 par une porte large de 0,60 m, au seuil formé d'un lit de pierres. Presque dans l'axe cette porte d'entrée se trouve une seconde porte mettant en communication la pièce 36 et la pièce 90 : son seuil était formé par une planche de bois dont la trace reste visible ; cette planche devait faire partie d'un chambranle en bois permettant une parfaite étanchéité.
 La partie nord de la pièce est occupée par une banquette haute de 0,85 m, dont la surface est formée d'une couche d'argile. Sur cette banquette, quelques tessons et un gobelet en verre ont été trouvés. L'autre extrémité de la pièce a reçu une chaudière formée d'un foyer entouré d'une paroi cylindrique d'argile cuite, chemisée par trois murets faits de pierre liée à l'argile ; les murets est et ouest du foyer présentent une corniche permettant de poser un chaudron ; hauts, de 0,80 m, ils  sont larges à la base respectivement de 0,40 et 0,30 m et, au-dessus du palier, de 0,30 et 0,20 m. Le chaudron, probablement en métal, a bien entendu été récupéré dans l'antiquité. Le foyer était alimenté par une ouverture en partie basse qui servait aussi de prise d'air pour le tirage. Lors de la fouille, la partie supérieure du foyer cylindrique a été retrouvée détruite, la partie inférieure étant comblée de cendres et de pierres. Sur le niveau de destruction du foyer, un muret était bâti transversalement ; il incluait un bloc de la carrière scié sur ses quatre faces et comportant un profond trait de scie sur sa face supérieure.
 Le sol le plus ancien de la pièce, en terre, a livré quelques fragments d'amphores, dont un fond en place dans l'angle entre la chaudière et la porte de la pièce 90. Le sol le plus récent qui correspond à l'époque où le foyer n'était plus utilisé, était jonché de tessons d'amphores : une amphore presque complète était écrasée contre le mur est, et une dizaine autres, cassées, étaient rejetées dans le foyer de la chaudière. Cette dernière couche d'utilisation était recouverte par la couche de destruction des murs, formée d'argile et de blocs de pierre.
 Par la porte ouverte dans le mur est (large de 0,80 m), on accède à la pièce 90 qui mesure 2,40 m de longueur sur 2 m de largeur. Son sol et la face interne de ses murs périmétraux sont recouverts d'un enduit de chaux peint en rouge. La couche de mortier recouvre un lit de plaquettes de pierre reposant sur le sol géologique. Une baignoire longue de 1,35 m, large de 0,50 m et profonde de 0,60 m, occupe presque tout le côté nord de la pièce, contre le rempart. Le fond est constitué d'une seule dalle de granit ; les trois murets qui la bordent sont bâties au mortier et recouverts du même enduit que les murs et le sol. La baignoire comportait une évacuation à travers le rempart : une canalisation de section rectangulaire (20 x 15 cm) qui fut prévue dès l'origine : l'appareil du rempart, tant sur la face interne qu'externe, ne présente aucun signe de réfection. Dans une seconde phase, le canal fut soigneusement bouché : comblé de pierres et d'argile dans sa partie médiane et colmaté par deux bouchons de pierres soigneusement ajustés aux deux extrémités. Une autre canalisation mettait en communication le sol de la pièce et la baignoire : elle devait servir à évacuer les eaux de nettoyage de la pièce  thermale. Son orifice a été bouché en même temps que la canalisation principale.
 L'angle nord-est de la pièce présente un dispositif indéterminable car  ce secteur a fait l'objet d'une fouille clandestine qui a détruit le dispositif et percé le sol de mortier. Tout ce qu'on en décèle encore est l'empreinte d'un aménagement (bloc de pierre ? lavabo ? banquette ?) dont subsiste uniquemen une partie du scellement en chaux.
 Sur le sol en mortier, on a pu dégager un sol en terre contemporain du second sol de la pièce 36. Ce niveau inclut des fragments d'enduit qui confirment qu'il s'est formé à une époque où la pièce 90 était déjà délabrée et où la chaudière et la baignoire ne fonctionnaient plus. Ce dernier sol est surmonté d'une couche de destruction composée de blocs de pierre et d'argile de scellement des murs.

La pièce 74 (5,10 x 4,40 m) est située au nord de la salle de la citerne ; on y accède par un escalier de trois marches menant à une porte située dans l'angle sud-est.
 Les murs sont bâtis en moellons tirés du wadi et scellés à l'argile. Leur faces internes étaient recouvertes d'un enduit d'argile peint en blanc. Toute trace de la couverture a disparu, mais, étant donnée l'épaisseur de la couche d'argile recouvrant le sol, on peut restituer une couverture en terre posée sur des clayonnages ; la nature de ce toit est confirmée par une lettre, inv. 737, dans laquelle le curateur d'un praesidium voisin demande à l'architecte Hierônymos de lui envoyer des roseaux (kãlamoi) pour qu'il puisse faire couvrir (stegãsai) son appartement (jen€a).
 Le mur sud de la pièce présente deux ouvertures, une porte et une fenêtre donnant dans la salle de la citerne, qui était entourée d'un portique. Dans une phase postérieure à l'aménagement initial, ces ouvertures ont été bouchées, mais d'une manière différente. La fenêtre a reçu un bouchage grossier : des pierres de tailles diverses ont été liées à l'argile. Le bouchage de la porte est plus soigné. Les pierres sont d'un calibre identique et la quantité retrouvée à terre autorise à restituer le bouchage jusqu'au linteau de la porte. La face intérieure de ce bouchage est semi-cylindrique et sa base forme une cuvette ovale au sol, bâtie à la chaux, ce qui indique qu'elle devait contenir de l'eau.
 Au cours de cette seconde phase, la pièce 74 comportait une liaison, au moins visuelle, avec la salle de la citerne, car il est probable que le bouchage plus grossier de la fenêtre, ainsi que celui, similaire, de la porte de la pièce 75, appartiennent à une troisième phase, correspondant à l'aménagement de la cuisine fouillée en 2001/2002 par M. Reddé dans l'angle nord-ouest de la salle de la citerne.
 La pièce 74 est pavée de dalles de pierre. Au centre du pavement, se trouvent trois dalles circulaires Û l'arrachement d'une quatrième est visible. Ces dalles proviennent vraisemblablement d'une des carrières du site (granit gris, diamètre variant de 45 à 50 cm selon les dalles, hauteur moyenne de 25 cm) ; l'une d'elles est en fait un tronçon de colonne épannelée. Le dallage repose sur le sol naturel. La pièce n'a livré aucun niveau d'occupation : la couche de destruction (pierres et surtout argile des murs et du toit) reposant directement sur le dallage.
 L'emplacement de la pièce au fond du fort, son dallage, son accès direct à la salle de la citerne et au sanctuaire, ses dimensions (c'est l'une des plus grandes pièces du fort)  signalent son importance.  Elle communique avec la salle 75 et sert en quelque sorte d'antichambre ou de pièce de réception.
 

La pièce 75 (3,90 x 3,75 m). On y accède depuis la pièce 74 par une marche formant seuil située dans l'angle sud-ouest. Cette ouverture était fermée par une porte en bois dont la crapaudine et l'axe sont conservés. Dans un premier temps, la salle ouvrait aussi sur la salle de la citerne mais cette ouverture a été bouchée dans une phase postérieure. Dans le mur est, un petit placard (0,41 x 0,52 m) a été ménagé. Comme dans la pièce 74, les murs étaient enduits d'un revêtement argileux recouvert d'une fine couche de plâtre. Le placard a reçu le même traitement.
     Le sol de la pièce était recouvert par une épaisse couche d'argile résultant de la destruction des revêtements argileux et de la couverture en terre sur clayonnages. Le sol de la pièce est formé d'une mince couche d'argile tassée sur le sol naturel. A sa surface des traces de planches en bois et une vingtaine d'ostraca ont été découverts (essentiellement des lettres adressées par le curateur Luppus au centurion Caninius Dionysios).
     Il semble que le bouchage de la porte vers la salle 3 soit contemporain de celui de la fenêtre de la pièce 74 voisine ; il correspondrait à l'aménagement d'une cuisine dans l'angle sud-ouest de la salle de la citerne. Le bouchage est fait de manière plutôt grossière, avec des pierres de tailles diverses liées à l Îargile.
     La quantité importante d'ostraca mais également les communications avec les pièces 3 et 74 renforcent l'hypothèse que cette zone du fort est privilégiée ; il pourrait s'agir du praetorium.

La pièce 39 (4,25 x 3,45 m) jouxte au sud la salle de la citerne. On y pénètre par une ouverture placée dans l'angle nord du mur est, tandis qu'une porte placée dans l'angle est du mur nord a été bouchée dans une phase précédente.
 Les murs sont conservés sur une hauteur moyenne de 1,60 m et sont bâtis avec des pierres du wadi liées à la mouna. Ils sont plaqués d'une couche d'argile sur laquelle a été fixé un enduit de chaux, formant une épaisseur moyenne de 4 à 6 cm sur les murs, mais allant jusqu'à 12 cm au niveau du sol. Lors du dégagement de la pièce, le bouchage de la première porte a été mis au jour. Conservé sur 80 cm de haut, il est fait d'une rangée de briques larges d'une douzaine de centimètres posées les unes sur les autres.
    La première couche (US 13901) correspond à la phase d'abandon du site. Elle comportait des pierres correspondant à l'éboulis des murs ainsi qu'une épaisse couche d'argile (enduit des murs et peut-être couverture). Elle reposait sur un niveau de sol (US 13902) sur lequel sont apparues deux amphores communes égyptiennes, une K1 et une K4, très fragmentaires. Dans l'angle nord-est de la pièce, une structure bâtie en pierres est également apparue (1,40 m x 0,30 m).
     Sous l'US 13902, une construction en briques carrée de 80 cm de côté a été découverte. Elle est installée contre l'enduit du mur oriental. Contre ce « massif » de briques, un trou carré de 40 cm de côté, encadré par les briques sur deux côtés et par un niveau de sol (US13903) sur les deux autres, contenait de la cendre (US13906). Cette dernière reposait sur un sol enduit (US13908).
     Des poches de charbon (13904) ainsi qu'une amphore égyptienne K1 ont été découverts creusés dans le sol 13903, traversant parfois le niveau de sol précédent (13908) (c'est le cas de l'amphore).
     Enfin, la construction en briques et les pierres du mur reposaient sur une couche d'argile d'environ 5 cm posée sur du sable (US 13907) reposant sur le sol enduit 13908. La couche de sable mesurait 2 cm en moyenne et semble correspondre à un abandon, sinon du fort, au moins de la pièce.
     En ce qui concerne le sol enduit 13908, il faut noter qu'il passe sous celui des murs et que dans l'angle sud-ouest de la pièce un puisard profond d'une vingtaine de centimètres a été creusé, mais il est en partie détruit.
     Il semble que dans son aménagement la pièce 39 ait été destinée à recevoir de l'eau. En témoignent les enduits du sol, des murs, la façon selon laquelle l'enduit de ces derniers a été fixé, et également le puisard.
     Dans un ordre chronologique, on peut établir que le sol de la pièce a été enduit, tout en y ménageant un puisard ; qu'ensuite ce fut le tour des murs. Les traces d'enduits découvertes de part et d'autre de l'ouverture pratiquée dans le mur Est témoignent en faveur du fait que celle-ci est secondaire et que l'accès se faisait par l'ouverture située dans le mur nord. Cependant, il est important de s'interroger sur la raison d'un tel bouchage, avec une seule rangée de briques, alors que tous les autres bouchages ont été faits avec des pierres, et de manières plus ou moins grossières selon les cas (cf. pièces 74 et 75).
     La pièce 39 est selon nous la pièce qui a servi de réservoir d'eau durant la construction de la citerne. Ainsi s'expliquerait la présence du puisard, mais également le fait que la pièce n'a jamais eu de porte dans son mur nord, mais tout simplement un accès à l'eau, qui aurait été rendu difficile par la construction d'un bouchage plein. De plus, le bouchage en brique est haut de 80 cm, ce qui rend la man™uvre d'aller chercher de l'eau tout à fait faisable même quand le niveau de celle-ci est bas.
     Une fois la citerne construite, la pièce 39 deviendra une pièce comme une autre, dont la destination nous échappe.

La pièce 58 est une des cellae alignées le long de l'allée centrale du fort, côté nord. Elle mesure 2,50 m de long sur 2,20 m de large. On y pénètre par une ouverture située à l'ouest du mur sud.
 Les murs sont bâtis en pierre sédimentaire locale liée à l'argile. Ils sont conservés sur une hauteur moyenne de 1 m.
     Le dégagement d'une première couche (US15801) correspondant à l'abandon du site (éboulis, terre) a révélé un niveau de sol (US15802), qui reposait lui-même sur un dallage (US15803) fait de pierres, identique dans sa composition au dallage de la pièce 74. Sur le sol 15802 étaient bâtis un foyer dans l'angle sud-ouest de la pièce, ainsi qu'un seuil en briques posé sur le substrat.
     Sur ce même niveau furent découverts une lampe à bossettes, un fragment de cruche de production assouannaise (A 54), une natte tressée, ainsi qu'une amphore égyptienne commune du type K1.
 
 

Le dépotoir Û Les textes
Le dépotoir du fort est divisé en deux sous-ensembles : l'un couvre une superficie de c. 180 m2 à gauche de l'entrée du fort, l'autre, moins important est situé au nord-est de la porte, en bordure d'un oued.
 Le dépotoir principal représente un volume de l'ordre de 80 m3 ; il a été divisé en carrés de 5 m de côtés. Trois carrés ont été fouillés en 2001 (21, 31 et 32). Le dernier carré (22) a été décapé au cours de la campagne 2002/2003, révélant une stratigraphie analogue : à la base (US21), un dépôt de paille et de gravier, correspondant aux déchets jetés lors de la construction du fort, est recouvert par un lit de pierres chaulées qui doit refléter les finitions dans le fort, notamment la construction de la citerne et du bain ; cette couche est surmontée par une alternance de paille pourrie et de graviers. Les niveaux de cendres sont le plus souvent limités à des lentilles, sauf un gros amas dans le carré 29 du petit dépotoir en bordure de l'oued.

Coup de théâtre. La surprise est venue quelques jours avant la fin de la campagne. On se souvient que le dépotoir, dont les trois-quarts avaient été fouillés l'an dernier, avait livré quelques ostraca datés du règne d'Antonin le Pieux. Ces documents attestaient l'occupation du fortin entre 146 et 150/151 (au moins). Ce faible ambitus chronologique semblait confirmé par la forte cohérence du corpus d'ostraca (les mêmes personnages revenant du haut en bas du dépotoir) et par le constat que seules deux carrières ont été ouvertes, dont l'une, de surcroît, a été à peine exploitée. Nous pensions dès lors que le fortin et les carrières avaient fonctionné quelques années sous Antonin le Pieux, jusqu'à la découverte, le 13 janvier 2003, d'un ostracon daté de l'an 16 de Domitien. Un signe avant-coureur aurait dû nous alerter : la découverte, quelques jours plus tôt, d'un bronze de l'an 11 de Domitien, dans un état de conservation parfait (il s'est révélé depuis être une monnaie rare : on n'en connaît un seul autre exemplaire, en mauvais état, RPC II 2601 ; la découverte d'Umm Balad permet d'ailleurs de corriger le commentaire de cette monnaie dans RPC : la figure du revers y est décrite comme « Eirene standing, left, with corn-ears and caduceus » ; il s'agit en fait du même motif, mais inversé, que la monnaie de l'an 10 RPC II 2576 (« Demeter standing right holding torch and corn-ears ») ; RPC II 2601 se voit en outre attribuer la légende EIRHNH SEBAS, qui n'y figure nullement à en juger par la photo.
 Il a fallu soudain revoir toutes nos hypothèses dans cette nouvelle perspective chronologique. De la sorte, quatre bizarreries qui nous avaient frappés dans les ostraca se sont dissipées : (1) l'absence totale de proscynèmes épistolaires, courants à partir du règne de Trajan, comme en témoignent les ostraca de Krokodilô (mais peut-être pas dès le début de ce règne) ; (2) le nombre infime d'entolai (instructions mensuelles des ouvriers carriers et forgerons à leur intendant aux vivres), type documentaire le plus attesté au Mons Claudianus sous Antonin ; (3) l'omniprésent architecte Hierônymos, homonyme de l'architecte Hierônymos connu au Mons Claudianus sous Trajan ; (4) la présence de Juifs : il ne s'agit pas de condamnés rescapés d'une guerre en Judée, mais d'ouvriers salariés. L'idée d'une occupation relativement brève du fortin est à retenir, mais il faut la repousser d'une cinquantaine d'années en arrière ; l'occupation sous Antonin a été épisodique, voire peut-être insignifiante ; peut-être n'était-elle même pas liée à la remise en exploitation de carrières dont la pierre s'était avérée decevante. Mais la malice du hasard des trouvailles avait voulu que les seuls textes datés de la principale période d'activité du site nous attendissent dans la dernière berme du dernier carré.
 Cette nouvelle datation suggère une solution à un autre problème que nous posaient les ostraca : le nom antique du site. Le toponyme le plus attesté est à coup sûr Kainè Latomia (94 occurrences, principalement dans des adresses sur amphores) ; mais à côté de Kainè Latomia revient Domitianè, certes nettement moins fréquent (39 occurrences), mais trop récurrent sur les adresses amphoriques (30 attestations sur 39) pour être le nom d'un site voisin ; à titre de comparaison, le Mons Porphyritès voisin est attesté 31 fois dans les ostraca d'Umm Balad, mais seulement 5 fois comme adresse de destination sur des amphores. Il faut probablement en déduire que le site, fondé sous Domitien, s'appelait à l'origine Domitianè et que la damnatio memoriae de l'empereur le fit rebaptiser hâtivement Kainè Latomia, un nom dont le caractère neutre et intemporel détonne dans la toponymie du désert Oriental. On ne peut pas dire cependant que la stratigraphie du dépotoir confirme cette hypothèse de façon éclatante : on trouve du Kainè Latomia dans les couche les plus profondes, et il y a du Domitianè dans les couches ayant livré des ostraca antoniniens. Mais la stratigraphie, surtout celle d'un dépotoir, est-elle une science exacte ?
 Reste la supériorité numérique écrasante de Kainè Latomia. Le site aurait donc fonctionné moins longtemps sous Domitien que sous ses successeurs. Les trois ostraca domitianiques datent respectivement des années 10, 15 et 16 ; il n'y a pas d'ostraca datés de Nerva et Trajan. L'hypothèse du changement de nom implique néanmoins que l'exploitation des carrières s'est poursuivie plusieurs années après 96, mais peut-être pas jusqu'à la fin du règne de Trajan, car la vogue du proscynème épistolaire n'a pas eu le temps de s'imposer.

Les ostraca
Un mot sur les ostraca de cette seconde saison. Nous en avons enregistré 440, qui sont pour la plupart des lettres. Beaucoup de raccords ont été faits avec les ostraca du « purgatoire »   de l'an dernier, qui avaient été enterrés sur place.
Notabilia. Inv. 588 : compte en latin de distribution aux ânes de leur prandium et de leur cena. Inv. 634 : Lettre d'une vivandière à un centurion, pour lui signaler que le vin dans une des amphores qu'il lui avait données à vendre s'est avéré mauvais. Inv. 747 : compte de personnel sous Domitien (au Porphyritès, plutôt qu'à Umm Balad), qui s'établit ainsi : « plus de 250 hommes de la familia ; plus de 250 carriers pagani ; plus de 50 forgerons et souffleurs ». Inv. 765 : reçu établi en l'an 16 de Domitien à Germanikè Latomia par un carrier à un chamelier pour une livraison de ravitaillement mensuel (epimenia) destiné aux carriers ; il y avait donc dans la région deux carrières voisines tirant leur nom de Domitien (on connaît la prédilection de cet empereur pour l'épithète Germanicus). La carrière Germanique n'était pas encore connue. Inv. 819 : lettre dans laquelle Antônas demande à l'architecte Hierônymos d'emprunter le dromadaire (dromas) du Porphyrites pour partir à la recherche d'un homme qui a disparu dans la nature ; en effet, le dromadaire du site d'où écrit Antonas est au Mons Claudianus. Ce document est à verser au dossier de l'apparition des dromadarii dans l'armée romaine (qu'on date de Trajan). Inv. 952 : lettre grecque écrite en caractères latins. Un substantif nouveau, attesté dans trois ostraca : to partikon.

L'inscription de fondation
De nouveaux fragments de l'inscription latine opisthographe ont été recueillis dans les éboulis de la tour sud flanquant la porte du fortin et dans le corridor en arrière de cette porte. Certains ont pu être raccordés par H. Cuvigny aux fragments trouvés lors de la campagne précédente. Si l'inscription reste très fragmentaire, plusieurs points sont acquis. L'une des faces est à coup sûr domitianique : le nom de l'empereur a été martelé (non cependant l'épithète Germanicus, comme cela arrive parfois) ; ce texte mentionnait également le préfet d'Égypte et un procurateur (sans doute le procurator metallorum) ; malheureusement, les noms de ces personnages ont disparu ; néanmoins, on trouve des traces très nettes de rasura sur des fragments correspondant à des lettres du nom du préfet, ce qui implique que ce personnage était Mettius Rufus (3 août 89-91/92), le seul préfet d'Égypte à avoir subi une damnatio memoriae à la suite d'une disgrâce.
 Le second texte paraît avoir été très semblable au premier : titulature impériale, nom du préfet, nom d'un procurateur. Dans la titulature, on ne reconnaît, à nouveau, que l'épithète Germanicus, ce qui exclut que ce texte ait été gravé lors de la réoccupation du praesidium sous Antonin. Il pourrait avoir été gravé sous Nerva ou Trajan.

La céramique
Outre les ostraca, le dernier carré du dépotoir a livré un abondant mobilier céramique qui a été étudié par J.-P. Brun, E. Botte et I. Sachet. Cette dernière, aussitôt après la fouille, a fait un stage à Naples, au Centre Jean Bérard, pour s'initier au dessin informatique et commencer les dessins du corpus céramique d'Umm Balad, qu'elle a déjà terminés aux deux-tiers. Le mobilier céramique comprend des lampes, des amphores et une abondante vaisselle, en quasi-totalité de fabrication égyptienne. Quelques tessons d'Eastern Sigillata, d'amphores Dressel 20 et crétoises, un timbre amphorique de Bétique représentent toutes les importations. Les faïences bleues originaires de Memphis sont relativement courantes.
Le reste de la vaisselle se répartit en quatre lots principaux :
a) la céramique des ateliers d'Assouan
La céramique d'Assouan comporte d'une part des productions à paroi fine barbotinées ou sans décor et d'autre part de la vaisselle de table (bols, plats, assiettes, cruches, bouilloires), ainsi que des faitouts. Quelques bols et cruches portent des décors peints brun ou noir (bandes, feuilles)
b) la céramique de la zone Coptos-Médamoud
Cette production, à pâte calcaire blanche ou rosée, est moins bien représentée que sur la route Coptos-Myos Hormos, mais on rencontre en abondance les formes classiques : la gargoulette B50 et la bouteille B51.
c) la céramique à pâte alluviale
Ces ateliers ont surtout produit des faitouts C11, C12, C20 et des marmites C50, C52, C57.
d) la céramique Early Egyptian Ware
Cette imitation de sigillée à pâte alluviale et vernis rouge mat est bien attestée, comme au Mons Claudianus. Elle aurait été produite par des ateliers de Moyenne Egypte.
Les lampes à huile appartiennent en quasi totalité au type « à bossettes » connu au Mons Claudianus et dans les forts de la route de Myos Hormos au IIe siècle.
 

Le bâtiment 4
Le bâtiment 6, composé de deux pièces (401 et 402), est situé à environ 100m au sud-est de l'entrée du fort. Bâti en pierre sèche, il s'adosse une éminence rocheuse haute de 6 m que surmonte un skopelos sans doute destiné à contrôler la piste sud.
 La pièce 401, septentrionale, est la plus grande et mesure 7,30 x 9 m. Sur ses côtés sud et nord-ouest court une banquette large de 90 cm et haute de 65 cm. La pièce 402, plus petite (5,45 x 8,60 m), ne possède aucune installation.
 Le dégagement de ces deux pièces n'a pas révélé la moindre trace d'occupation : les sols sont vides, à peine a-t-on observé un peu de cendres dans la pièce 401. Le matériel céramique est absent. Le bâtiment 4 semble donc n'avoir jamais été utilisé. Il est dès lors difficile de spéculer sur sa destination : l'existence de banquettes dans la pièce 401 pourrait indiquer qu'il s'agit d'une écurie, qui devait peut-être remplacer celle du fort (supra, pièce 43), mais qui n'aurait jamais été ni finie ni utilisée.

Le groupe de bâtiments n°8
Du sanctuaire de hauteur n°7 part un sentier qui, suivant la ligne de crête, se dirige vers un sommet à 700 m d'altitude. A mi-parcours, à la cote 649 m, se trouve un replat où est édifié un petit bâtiment mesurant par 3 x 1,75 m. À 3 m de distance se dresse une stèle anépigraphe en roche locale mesurant 0,30 x 0,15 m et haute de 0,40 m. Sa base est calée par trois pierres enfoncées dans le sol. Elle est implantée sur une plate-forme partiellement ceinturée par un rang de pierres.
 Du replat, le sentier s'élève vers la côte 700. Trois bâtiments sont alignés sur la crête d'où l'on domine la vallée, le fort, les routes et d'où l'on peut apercevoir la mer. Le premier de ces bâtiments est un poste de guet comptant deux petites pièces en enfilade et mesurant env. 3,30 x 1,70 m environ. Le second est un autre poste de guet dont subsistent seulement trois murs (2,40 x 2 m). Le troisième, au sommet, est une tour pleine mesurant 3 m de côté, soit 10 pieds. Son élévation conservée est de 2,50 m.
 Le mobilier trouvé aux abords, bien que peu abondant, est parfaitement synchrone avec celui du fort : siga, gargoulette B50, marmite d'Assouan A4. Sur le sol du premier bâtiment, composé d'une couche de terre argilo-sableuse jaune, se trouvaient les restes d'une sorte de natte en fibres torsadées, indiquant peut-être un lieu de repos.

La nécropole
Un groupe de 15 tombes pillées est visible à 240 mètres au sud-est du fort. Ces tombes étaient recouvertes d'amas de pierres. Afin de vérifier s'il restait quelques données exploitables, nous en avons fouillé cinq.
Tombe 1. Adulte mature robuste en décubitus dorsal, tête au nord, main gauche sur le pubis. Sans mobilier. Partiellement pillé. Vraisemblablement un homme.
Tombe 2. Nouveau-né à terme ou enfant en bas âge. Tête au nord. Sans mobilier
Tombe 3. Adulte mature robuste en décubitus dorsal, tête au nord. Tombe pillée, squelette incomplet et bouleversé. Mobilier : amphore AE3, marmite C50.
Tombe 4. Adulte mature robuste en décubitus dorsal, tête au sud, bras le long du corps. Sans mobilier. Partiellement pillé, partie inférieure du squelette détruite.
Tombe 5. Adulte mature robuste en décubitus dorsal, tête au sud. Sans mobilier. Partiellement pillé, partie supérieure du squelette détruite. L'emplacement de la tête était signalé par une pierre dressée.
 Les autres tombes étaient totalement éventrées par des clandestins.
Peu d'enseignement à tirer : les inhumés sont surtout des hommes, robustes, très pauvres. Probablement trop pauvres, trop seuls, pour être transportés dans la vallée (l'ostracon inv. 640 est une demande de bois adressée à l'architecte Hierônymos, en vue de la construction d'une civière qui permettra de ramener dans la vallée du Nil un carrier d'Assouan gravement malade). Ces morts ne sont donc ni des ouvriers qualifiés, ni des militaires : des esclaves ?
 Le squelette de nouveau-né montre que des femmes accouchaient sur place.

Les carrières
1) La carrière basse (carrière A)
La carrière A est établie à flanc de montagne, à 700 m d'altitude, au niveau d'un banc de granit. On y accédait par deux chemins principaux : un chemin très bien aménagé venant du fort (n°1) et un sentier en lacets montant du village de carriers situé au fond du wadi (n°2). L'un et l'autre chemins aboutissent à la partie méridionale de la carrière (A1), au niveau d'une plate-forme limitée vers l'est par un mur de soutènement large de 0,90 m et haut d'un à deux mètres.

La rampe n° 1. La carrière est divisée en trois secteurs, du sud au nord : A1 à A3. Dans le secteur A1, la partie sud de la terrasse s'incline vers l'aval, se transformant en rampe de descente des blocs. Cette rampe est bordée par des murs plus ou moins bien conservés, mais ne comporte aucun de ces massifs cylindriques construits en éclats de taille qui servaient à contrôler la descente des blocs : il est évident qu'elle n'a pas été achevée.

La forge. Dans l'espace compris entre les fronts de taille et le mur de soutènement s'élève une forge adossée à la paroi rocheuse (11,20 x 5 m) ; l'entrée est étroite (larg; 0,50 m). L'intérieur est aujourd'hui occupé par de gros blocs de granit tombés sur le sol à la suite d'un éboulement. D'abondantes scories de fer ont été repérées en contrebas du mur de soutènement.
 Un sondage effectué à l'intérieur du local, contre le mur, a révélé une stratigraphie très simple : le sol, fait d'éclats de taille de granit, est surmonté d'une couche d'une quinzaine de centimètres de charbon de bois et de scories de fer, contenant quelques fragments de parois de foyer vitrifiées et un peu de céramique (2 AE3, une B50). Le mobilier est exactement contemporain de celui du fort.
 Au-dessus de la forge, on décèle de nombreuses traces d'extraction de blocs (emboîtures , saignées longitudinales). Un front de taille très net est visible à 3 mètres au-dessus de la construction.

La rampe n° 2. Au-delà de la forge, le mur de soutènement se rapproche de la paroi rocheuse jusqu'à un talweg qui sépare la zone A1 de la zone A2. Ce talweg marque l'emplacement d'une seconde rampe de descente des blocs qui a été très fortement érodée par les intempéries. La rampe descend en direction de la voie conduisant au village ; elle était bordée, comme au Mons Claudianus et au Mons Porphyrites, de massifs assez bien construits à partir de déchets de taille. Ces constructions vont par paire, mais l'érosion n'en a laissé subsister que deux paires complètes. Dix de ces massifs subsistent, le premier étant situé sur la plate-forme et les trois premiers étant distants respectivement de 8,5 m et 13 m. Sur le côté nord, on peut voir les restes d'un muret bordant la rampe. Celle-ci est bien conservée 80 m en contrebas de la terrasse, là où son parcours quitte le ravin pour passer entre une croupe et la montagne. Deux massifs symétriques sont préservés à cet endroit où la rampe mesure 5 m de largeur. Un peu en aval aboutit la rampe n°1 non terminée et, 40 m en contrebas des deux massifs précités, on en trouve deux autres, dans un secteur où la rampe est de nouveau détruite.
 Au départ de la rampe n° 2 se trouvent plusieurs blocs semi-finis prêts à être descendus et dans la rampe elle-même, le bloc n° 23.

Le secteur A2, large d'une quinzaine de mètres et profond d'une vingtaine de mètres a été exploité : on voit des traces d'enlèvement de blocs, des emboîtures et de nombreux déchets de taille, notamment sur la face N-O de l'excavation, où se trouve un alignement de 8 emboîtures. La terrasse est limitée par deux murs distants de cinq mètres, disposés en baïonnette. L'angle S-O de la terrasse est occupé par un amas de blocs portant des traces d'extraction et de taille. Trois d'entre eux, dont une ébauche de chapiteau d'angle (?), sont totalement épannelés et prêts à être descendus par la rampe.

Le secteur A3, large d'une trentaine de mètres et profond d'une dizaine de mètres, comprend une terrasse et des fronts de taille. La terrasse est maintenue par un mur de soutènement de 0,90 m de largeur pour une hauteur variant entre 2 et 4 m selon le relief. Les fronts de taille montrent que l'on a tenté d'extraire des blocs parallélépipédiques de moyenne dimension ; deux lignes d'encoches de coins sont visibles à mi-hauteur de la paroi rocheuse.
 Dans l'angle N-E, à mi-hauteur, un front de taille a dégagé un espace grossièrement triangulaire. Dans toute la zone, notamment sur les pentes et sur les roches surplombant le site, on décèle les traces de prospections à la barre à mine : blocs éboulés, absence de patine, couleur jaune. Mais aucun des secteurs ainsi prospecté n'a été exploité par la suite.

Mobilier. Dans les éboulis de blocs situés en contrebas de la terrasse, quelques vases ont été jetés : amphores AE3, bouteille B51, coupe E1, mobilier courant dans le dépotoir du fort.

2) La carrière haute (carrière B)
La carrière B est située à mi-hauteur de la montagne, entre les altitudes 805 et 830 m environ. On y accédait par un chemin muletier en lacets montant depuis le village (chemin n°3). Un second sentier, de même type s'élève par la face méridionale de l'arête rocheuse (chemin n°4). Les deux chemins se rejoignent au niveau d'un chicot de granit d'où les ouvriers ont extrait des blocs pour construire la rampe de descente des blocs.
 La carrière comprend deux terrasses.
La terrasse inférieure, limitée par un puissant mur de soutènement haut d'une dizaine de mètres, est encombrée de roches non taillées et de blocs de granit portant des traces de coins. La paroi nord, abrupte, a été partiellement préparée pour l'extraction des blocs : plusieurs emboîtures sont visibles à la base. Vers le sud, la paroi est taillé en pente, la découverte ayant été enlevée, mais aucun front de taille n'a été préparé.
La terrasse supérieure est limitée par un mur de soutènement long de 14 m et haut de 9 m environ, encore partiellement conservé. Sa surface, en forte pente, est ravinée ; plusieurs blocs présentant des emboîtures jonchent le terrain. Le front de taille nord se poursuit jusqu'au début d'un canyon très étroit. Au sud, la paroi atteint un massif de granit taillé pour dégager un couloir. Ce couloir large de 5 m met en communication la carrière et une rampe construite pour franchir un talweg. Le couloir qui était destiné à permettre l'évacuation des blocs n'a pas été terminé : un pan de roche, détaché de la paroi ouest, gît au milieu et n'a pas été enlevé. De plus, un amas de roche friable en place encombre encore le passage sur une longueur de 3 m environ.
 Au-dessus de la terrasse supérieure, se trouve un front de taille et une aire d'extraction dont subsiste un important chicot. Le front de taille est bordé d'emboîtures (une dizaine à diverses hauteurs). Le chicot, quadrangulaire, présente 4 emboîtures. Une dizaine de mètres plus haut, deux skopeloi en pierres sèches devaient servir à  la surveillance des carrières. Le premier, de forme circulaire, mesure 2,50 m de diamètre. On y accédait par un court escalier et une petite porte. Le second, à 5 m au sud, est formé d'un muret à angle droit adossé à la paroi rocheuse.
 
La rampe. On avait prévu à l'origine de construire une rampe jusqu'à la route aboutissant au village ; un tronçon a été bâti sur le flanc nord du chicot. La partie aval, vers le village, n'a pas été réalisée. Vers la carrière, à 25 m environ du point initial, la rampe se divise en deux, un tronçon se dirigeant au nord vers la terrasse inférieure, un autre s'élevant très fortement pour rejoindre le couloir menant à la terrasse supérieure. Du tronçon inférieur, seuls les vingt premiers mètres ont été édifiés. Au-delà, le tracé prévu de la rampe rencontre des bancs de roche non encore totalement aplanis. Le tronçon supérieur, long de 70 m, se détache  de la rampe principale à l'altitude de 778 m. Les murs de soutènement de la rampe sont terminés, mais la jonction avec le couloir n'est pas faite : un pan de roche qui encombre le passage n'a pas été arasé. La partie inférieure de la rampe n'a pas non plus été terminée. Elle s'arrête brusquement sur un bloc. Si on l'avait poursuivie en direction du village, elle aurait partiellement détruit le principal chemin d'accès, ce qui explique la construction du chemin n°4, probablement destiné à remplacer le chemin n°3.
 La carrière B n'a livré que très peu de mobilier en prospection, signe qu'elle a été exploitée peu longtemps (une amphore AE3 et une amphore d'Assouan).

 L'examen des deux carrières apporte donc plusieurs enseignements sur la chronologie  des travaux d'exploitation. Étant donné l'ingratitude du milieu, il convenait, avant d'implanter une nouvelle carrière, de mettre en place une base-vie (le fort) et un réseau de communication (les voies) vers la vallée et les points d'eau. Ensuite, on créait une base avancée (le village des carriers), afin d'éviter aux ouvriers de rentrer tous les soirs au fort. Puis, de ces deux bases, on lançait des chemins vers les points qu'on désirait exploiter. Il fallait en effet amener outils, matériaux et hommes à pied d'™uvre. Ces chemins sont suffisamment larges et peu inclinés pour permettre le passage d'ânes servant à tous les transports. La troisième étape consistait à découvrir la roche et, en utilisant les blocs bruts, à construire des terrasses pour travailler à l'aise. Ensuite seulement commençait l'exploitation véritable et il convenait à ce moment-là de construire les rampes pour descendre les blocs vers la route. Lorsqu'il fut décidé de mettre un terme à l'exploitation, la carrière basse était opérationnelle : des premiers fronts de taille, on avait tiré des blocs, dont certains épannelés, et on avait commencé à en descendre vers le fort puisque cinq d'entre eux ont été abandonnés sur la route et un sixième devant le fort. Une forge avait été construite et fonctionnait pour les besoins des carriers. Une rampe était équipée de ses massifs cylindriques d'éclats de taille servant certainement à un système d'ancrage de palans utilisés pour contrôler la descente des blocs. En revanche, une seconde rampe (n°1) n'était pas terminée, puisque non équipée de ces massifs.
 En revanche, la carrière haute était loin d'être en état de fonctionner : les terrasses étaient construites, on avait dégagé deux fronts de taille sans les mettre en exploitation et, surtout, les rampes n'étaient pas finies. La rampe n°3 bute sur des rochers en cours de dégagement. La rampe n°4 s'élève jusqu'à un couloir non encore achevé. On peut affirmer qu'aucun bloc n'a jamais été tiré de cette carrière : il n'aurait pas été possible de le descendre dans la vallée. À la différence de la carrière basse, la carrière haute ne présente pas d'amas d'éclats de taille et très peu de mobilier, ce qui traduit une courte durée d'exploitation.
 On peut finalement penser que la plus grande partie de la période d'occupation de Domitianè/Kainè Latomia a été employée à préparer l'exploitation et que, devant la mauvaise qualité de la pierre, l'ordre d'arrêter les travaux est venu alors que le complexe était à peine opérationnel, et même encore inachevé. On ne sait pas pendant combien d'années exactement a duré la première occupation du fort : on a des raisons de croire que l'inscription de fondation fut posée sous la préfecture de Mettius Rufus, c'est-à-dire au plus tôt entre février 88   et 91, date du plus ancien ostracon daté de Domitien à Umm Balad (10e année régnale). Mais combien de temps l'occupation a-t-elle continué après les 6-10 années sous Domitien ? Au moins une dizaine d'années en tout cas, vu la nette supériorité numérique des attestations du nouveau nom du site. On peut dire alors que 15-20 ans correspondent, étant donné les moyens techniques et humains de l'époque, à la durée minimale de mise en exploitation d'une carrière dans ce milieu hostile et éloigné de la vallée du Nil. L'échec patent de la Nouvelle Carrière serait donc à relativiser : il fallait tout ce temps pour s'apercevoir que la qualité du matériau ne répondait pas au cahier des charges. Il arrive, dans nos civilisations techniques si avancées, que nous ne fassions pas mieux.