Umm Balad, 2001-2002


La première des deux campagnes prévues à Umm Balad a eu lieu du 25/12/01 au 22/1/02. Les membres de la mission étaient : Hélène Cuvigny (papyrologue, chef de chantier), Jean-Pierre Brun, Michel Reddé, Isabelle Sachet (archéologues), Adam Bülow-Jacobsen (papyrologue), Martine Leguilloux (archéozoologue), Khaled Zaza (dessinateur). La mission était financée par le Ministère des Affaires étrangères et l'IFAO.

 Le praesidium d'Umm Balad est situé au débouché d'un wâdî au fond duquel, à 1,2 km de là, se trouvent deux carrières de granit romaines avec le village des ouvriers qui y travaillaient. De ce village descend une route, destinée au transport des blocs ; elle se divise au niveau du praesidium en deux rameaux qui rejoignent la piste de Qena à Hurghada (c'était dans l'antiquité la route de Kainè au Mons Porphyrites, qui est tout proche d'Umm Balad) [fig. 1].

 Divers bâtiments annexes entourent le fort : un petit sanctuaire de hauteur au nord-ouest, une forge au nord, deux bâtiments au sud-est. La nécropole est à environ 300 m à l'est. Comme d'habitude, le dépotoir s'est amoncelé devant la porte du fortin.
 
 
 

I. La fouille et les relevés

1. Le praesidium (fouille M. Reddé)


Un plan du fortin a été levé (J.-P. Brun, M. Reddé [fig. 8]) et l'architecture d'ensemble a été étudiée en détail par M. Reddé, qui a également effectué plusieurs sondages principalement à la porte, dans la salle de la citerne et dans une salle de réunion.
 Le sondage de la porte a mis au jour plusieurs fragments de l'inscription de fondation en latin. D'autres fragments ont été trouvés dans le dépotoir, à l'intérieur du fort et même sur un sentier dans la montagne : il est clair que l'inscription a été fracassée dès l'antiquité. Il en reste trop peu pour en restituer la date ; détail curieux, elle était opisthographe.
 La salle de la citerne est la plus grande du praesidium (12 x 10,5 m) [fig. 3].  Elle se trouve à l'extrémité de la voie médiane qui traverse le fort d'est en ouest. Elle possède une entrée principale, dans l'axe de la rue, tandis que des ouvertures secondaires menaient à des pièces adjacentes, avant d'être condamnées. Le mur du fond, à l'ouest, est occupé par trois niches rectangulaires surélevées, où l'on a observé des restes de badigeon au lait de chaux et des traces de culte (fragment de statue en tête crue, brûle-parfum, offrandes végétales).
 La partie centrale est occupée par une grande citerne d'env. 10 x 11 x 2,10 m ; elle est alimentée par un petit bassin accolé au mur est de la pièce, du côté externe, près de l'entrée. Il en part un petit canal cimenté qui descend dans la citerne, après un parcours à travers le mur de la pièce puis sur le sol de celle-ci. On apportait donc depuis l'extérieur pour les vider dans ce bassin les outres d'eau qui permettaient d'alimenter la citerne ; ce devait être le travail des onze askophoroi mentionnés dans l'ostracon inv. 31 [fig. 6].
 

2. Stratigraphie du dépotoir (J.-P. Brun et I. Sachet)


Le dépotoir du fort est situé sur la façade orientale à proximité de la porte. Un premier ensemble, au sud-est de la porte couvre une superficie de 180 m2 environ pour une puissance maximale de 1,50 m (carrés 12-14, 21-24, 31-34, 42-43). Un second ensemble, moins important est situé au nord-est de la porte en bordure d'un wâdî. Les dépôts, peu épais (de l'ordre de 20 cm en moyenne), ont été déversés sur un mur de soutènement limitant la terrasse située devant le fort par rapport au wâdî.
 Le dépôt principal correspond à un volume de l'ordre de 80 m3, nettement moindre que celui de Didymoi. La stratigraphie est également plus simple dans la mesure où les déchets ont été répandus à l'horizontale et où la forte diminution des  matières organiques a entraîné une simplification naturelle de la succession des couches.
 Pour l'essentiel, les strates sont constituées de paille pourrie et de graviers. Les niveaux de cendres sont le plus souvent limités à des lentilles. Il n'y a pas d'accumulation cendreuse épaisse comme à Maximianon et à Didymoi, ce qui implique certainement l'absence de thermes : en effet, tant à Didymoi qu'à Maximianon, l'existence des thermes était marquée dans le dépotoir par d'épaisses couches de cendre et de charbon de bois.
 Dans le carré 23, dix-neuf couches ont pu être individualisées. Mais on ne décèle aucun arrêt dans l'accumulation des sédiments, comme une couche de sable éolien par exemple : il ne semble donc pas y avoir eu d'interruption dans l'occupation du fort.
 Dans le carré 32, plus marginal, huit couches ont été identifiées. La plus profonde, US 8, était surmontée d'une épaisse couche de paille et gravier qui a livré de nombreux ostraca et la colonne vertébrale d'un chameau jetée entre des blocs de pierre. L'une des dernières couches qui s'étend sur les carrés 42, 43 et 33, correspond à une fosse dans laquelle on a fait du feu et déversé un abondant mobilier céramique (US 2).
 
 

3. La forge (J.-P. Brun) [fig. 9]


À une centaine de mètres au nord du fort se trouve une butte rocheuse sur laquelle est bâtie une construction rectangulaire mesurant 3,90 par 3,15 m. Elle ouvre au sud-est par une porte et semble avoir servi de poste de surveillance. Au pied de cet édifice, des bancs rocheux ont été exploités pour extraire des blocs lors de la construction du fort. Par la suite, cette zone a été utilisée pour implanter une forge.
 Dans une première phase, le forgeron travaillait à l'air libre, en installant des foyers contre la paroi rocheuse. Ces foyers ont généré une masse de cendres, charbons et scories de fer épaisse d'une dizaine de centimètres et couvrant une cinquantaine de mètres carrés. Le mobilier livré par cette couche, pauvre, est strictement identique à celui du dépotoir du fort.
 Dans une seconde phase, un bâtiment approximativement carré de 6,50 m de côté fut édifié. Adossé à la paroi rocheuse et ceinturé de trois murs épais de 0,90 m en moyenne, il comportait une entrée tournée vers l'est et une fenêtre oblique ouvrant au sud-est. Les murs sont bâtis en appareil irrégulier de pierres extraites localement et ils reposent sur la couche de cendres de la phase 1. On pénétrait dans la forge par la porte large de 0,70 m et l'on trouvait à gauche une banquette qui a pu servir de lit et à droite un mur épais de 0,75 m doublé par un autre large de 0,50 m. Dans ce mur était ménagé un foyer entouré de pierres de chant aujourd'hui fissurées par le feu. Toujours dans la partie droite, au pied du rocher, s'ouvrait un bassin de trempe. Rectangulaire (0,60 par 0,50 m), profond de 0,40 m, il est enduit intérieurement de béton de tuileau hydraulique.
 Entre le mur médian et la paroi rocheuse, un recoin était prolongé par un placard ménagé dans le mur oriental de la pièce.
 Très peu de mobilier reposait sur le sol de cette pièce : quelques amphores de type K1. Tout au plus peut-on signaler un tesson d'amphore égyptienne portant un dessin incisé après cuisson représentant un triton. D'autres fragments décoré du même motif exécuté par la même main ont été découverts dans le dépotoir.
 
 

4. Le sanctuaire de sommet (J.-P. Brun) [fig. 4 et 10]


À une centaine de mètres au nord du fort se trouve un sanctuaire construit à mi-pente de la montagne. On y accédait par deux itinéraires. Le premier, venant du fort par la forge est un sentier en lacet qui se termine par un long escalier. Le second, venant du wâdî et des carrières, est marqué lui aussi par un long escalier encore assez bien conservé. Les deux escaliers convergent vers une terrasse naturelle qui porte, outre le temple, deux abris adossés à des rochers.
 Le sanctuaire mesure 5,50 m par 6,10 m. Construit en pierres schisteuses extraites sur place, il comprend une cella principale ouvrant au sud et dont le sol était pavé de dalles. Au fond, un naos large de 1 m et long de 2 m devait abriter la statue du dieu. En façade, un massif rectangulaire de 1,30 x 1 m doit correspondre à l'autel.

Dans un second temps, une cella secondaire fut ajoutée à l'est. Ses murs se juxtaposent à ceux du sanctuaire principal. On y accédait par un court escalier aboutissant à une porte large de 0,60 m. Le sol de la pièce semble avoir été formé du rocher aplani. Aucun mobilier n'y a été trouvé.L'ensemble est très ruiné à la fois par l'érosion et par des destructions perpétrées par des chercheurs de trésor qui ont défoncé le sol de la cella et de la niche. Le dégagement des structures n'a donc apporté aucune information sur la nature du culte : ni statue, ni inscription, ni ex-voto Û à peine quelques tessons d'amphores égyptiennes, des fragments d'une marmite et d'un plat fabriqué par les ateliers d'Assouan.

5. Le village des carriers et les carrières (J.-P. Brun) [fig. 11]

À 1,2 km du fort en suivant la voie romaine qui emprunte le vallon, on parvient à un village de carriers situé en bordure orientale du wâdî, au pied des carrières de granit. Il est composé de 17 cellules de dimensions inégales construites avec des pierres de schiste extraites sur place. Au moins trois de ces cellules ont conservé des banquettes qui servaient de lits.
 Ces ruines laissent apparaître très peu de mobilier : quelques tessons d'amphores égyptiennes et de céramique à pâte calcaire.
 Depuis le village deux chemins mènent aux carrières de granit [fig. 00]. La plus proche fut la plus intensément exploitée ; les fronts de taille montrent des traces nettes d'extraction avec des coins. Cette carrière est limitée du côté du ravin par une terrasse dont le mur de soutènement est formé d'éclats de taille et de blocs mal venus ; une construction située sur la terrasse doit être interprétée comme une forge ; plusieurs blocs ont été abandonnés en cours de finition.
 Le chemin le plus septentrional est particulièrement bien aménagé : des rampes en zig-zag permettent de gagner progressivement la carrière la plus haute qui semble n'avoir pas été véritablement exploitée, mais seulement sondée.
 Un autre itinéraire joignait la carrière médiane au fort d'Umm Balad. Un sentier partant du point où la voie traverse le wâdî, s'élève vers un col qui permet d'atteindre la terrasse de la première carrière. Tout le trajet est aménagé ; les passages difficiles sont confortés par des murs de soutènement hauts de 1 m à 1,50 m.
 
 

II. Le matériel issu du praesidium et (surtout) du dépotoir

NB. Les textiles et les restes végétaux seront étudiés ultérieurement.
 

1. La céramique (J.-P. Brun et I. Sachet)

Le mobilier céramique comprend des lampes, des amphores et une abondante vaisselle, en quasi-totalité de fabrication égyptienne. Quelques tessons d'Eastern Sigillata représentent toutes les importations. Les faïences bleues de Memphis sont relativement courantes (autour de 1%).
 Le reste de la vaisselle se répartit en trois lots principaux :
a) la céramique des ateliers d'Assouan
Comme dans les autres forts du désert Oriental, la céramique d'Assouan comporte d'une part des productions à paroi fine barbotinées ou sans décor et d'autre part de la vaisselle de table (bols, plats, assiettes, cruches, bouilloires), ainsi que des faitouts. On note quelques formes plus rares comme les faitouts profonds à bec verseur.
b) la céramique de la zone Koptos-Médamoud
Cette production, à pâte calcaire blanche ou rosée, est moins bien représentée que sur la route de Koptos à Myos Hormos, mais on rencontre en abondance les formes classiques : la gargoulette B50 et la bouteille B51 . On note la présence fréquente des grands vases fermés à quatre anses B111.
c) la céramique à pâte alluviale
Dans ce groupe hétérogène se distingue une série très caractéristique de céramiques de cuisine à pâte réfractaire, bien épurée, très sonore, à paroi relativement fine. Ces ateliers ont surtout produit des faitouts C11, C12, C20 et des marmites C50, C52, C57. A côté de cela, des productions plus grossières sont représentées par des coupes, des plats, des bols et des  couvercles.

 Les amphores sont presque toutes des AE3, conteneurs vinaires égyptiens, la grande majorité appartenant à la forme K1 répandue aux Ier et IIe siècles. Mais on trouve sporadiquement des amphores à engobe rouge d'Assouan, des amphores à col cannelé K4 et des Dressel 2/4 du delta, notamment d'Alexandrie.
 Parmi les importations, on note une amphorette de type Agora F65 (Robinson 1959) originaire de la vallée du Méandre, une amphore de Cilicie et une Dressel 24. Les amphores à huile sont représentées par une Dressel 20 de Bétique et une Tripolitaine 1.
 Les lampes à huile appartiennent en quasi totalité au type « à bossettes » connu au Mons Claudianus et dans les forts de la route de Myos Hormos au IIe siècle.
 À l'intérieur du fort, les niveaux les plus tardifs mis au jour au sud du sanctuaire (pièce 117) ont livré un mobilier datable du IIIe siècle de notre ère, notamment des amphores de type K7 qui sont caractéristiques des strates d'occupation dégagées à l'intérieur du fort de Didymoi.
 

2. La faune (M. Leguilloux)


La faune du dépotoir d'Umm Balad forme un lot peu abondant par rapport aux trouvailles des fortins situés sur les routes caravanières. Il offre cependant un faciès différent qui reflète la spécialisation  du site.
 Tous les carrés fouillés ont livré du matériel ostéologique, mais la majeure partie de celui-ci provient des carrés 23 et 32, particulièrement riches. Les espèces composant la faune sont identiques à celles rencontrées sur les autres sites du désert. Quelques restes d'animaux familiers (un chien) et sauvages (trois gazelles et une hyène) ont été retrouvés mais en proportions infimes. Leur nombre est plus limité dans ce dépotoir  que dans ceux des fortins des routes caravanières qui ont livré de nombreux cadavres de chiens, parfois inhumés, et une plus grande variété d'animaux chassés (en nombre de restes et d'espèces).
 Les animaux domestiques sont les plus nombreux. Les petits ruminants, moutons et chèvres, toujours abattus et consommés à l'âge adulte, apparaissent dans quelques couches isolées. Les restes de porcs sont plus fréquents et, bien qu'en petit nombre, ils sont présents de façon régulière dans la stratigraphie des différents carrés, trahissant une consommation plus habituelle. Ces os appartiennent à de jeunes adultes (abattus entre deux et trois ans), mais quelques-uns proviennent de cochons de lait de trois mois environ.
 Les ossements de plusieurs dromadaires ont été rejetés dans le dépotoir. Les squelettes ne sont jamais retrouvés en connexion anatomique complète, mais quelques quartiers sont plus ou moins complets (axes vertébraux, quelques éléments de membres antérieurs et postérieurs) ; ils portent presque toujours des traces de découpe. Les restes de dromadaires représentent une faible proportion  en comparaison des restes d'équidés et notamment d'ânes, espèce la mieux représentée dans le dépotoir. Rares sont les ânes morts jeunes : pour la plupart, les ossements appartiennent à des animaux réformés. Dans tous les cas, animaux âgés ou jeunes adultes, ces ânes ont été dépecés, découpés en quartier et consommés.
 Peu de dromadaires, beaucoup d'ânes : c'est l'inverse de la situation rencontrée dans les dépotoirs des pistes caravanières du désert de Bérénice, où par ailleurs les jeunes bêtes abattues pour la boucherie étaient plus nombreuses. On employait donc plus d'ânes dans les carrières. Les ânes d'Umm Balad, cependant, accomplissaient leur travail en silence : en effet, les ostraca en parlent beaucoup moins que des chameaux, souvent mentionnés dans les lettres relatives à l'hydrophorie (dix-neuf attestations de chameaux contre six d'ânes). L'ostracon inv. 268 semble indiquer l'effectif du contingent de chameaux : douze sont affectés au ravitaillement en eau d'Umm Balad. L'auteur d'une autre lettre, cependant, se plaint en ces termes : « nous n'avons que trente chameaux pour le transport de l'eau [vers les ?] deux carrières et les citernes sont vides ».
 
 

3. Les cuirs (M. Leguilloux)


Les objets en cuir sont rares sur ce gisement et, comme pour les ossements, la quasi-totalité provient des seuls carrés 23 et 32.
 Comme sur tous les sites romains du désert, la plus grande partie des morceaux de cuir proviennent de chaussures et d'outres. Les fragments d'outres sont les plus nombreux. Ces outres sont presque toujours façonnées à partir de plusieurs pièces de cuir (au lieu d'être formées par la peau entière d'un animal) ; le cuir, très sombre, provient de petits ruminants. Le même type de conteneur à eau a été retrouvé à Didymoi, mais en nombre égal avec les outres en peau. On note l'absence de gourdes, bien représentées à Didymoi .
 Le chaussure la plus fréquente est la sandale du modèle 1a de Didymoi, faite d'une seule pièce de cuir découpée de façon à ce que la totalité de la semelle et les attaches de lacets de part et d'autre du talon soient solidaires. Un trou central à l'avant permettait la fixation d'une lanière qui passait entre les orteils et rejoignait les attaches du talon. Un exemplaire de sandale est attribuable au type 2 de Didymoi, c'est-à-dire au groupe des sandales dont les fixations sont des lanières cousues entre les deux semelles. Une chaussure unique est identifiable à la carbatina, un modèle qui, pour l'instant, n'a pas été retrouvé dans les dépotoirs de fortins. Il s'agit d'une chaussure à bord montant, dont la semelle externe et le dessus étaient formés en rabattant les bords de la pièce sur le cou-de-pied et en les maintenant en place par un laçage. Une seconde semelle est cousue à l'intérieur pour améliorer le confort. Ce fragment de chaussure portait, implantés de façon aléatoire sur la face externe , dix clous de petite taille (3 mm de diamètre).
 On relève encore des éléments de harnachement : lanières, longes de conduite pour les animaux de bât.
 Enfin, quelques couches ont livré des déchets indiquant que l'on travaillait le cuir et que l'on pouvait réparer ou confectionner des objets sur le site.
 
 

4. Les ostraca  (A. Bülow-Jacobsen, H. Cuvigny)


Plus de cinq cents ostraca ont été enregistrés. On leur doit le nom du site, Kainè Latomia, « Nouvelle-Carrière » (d'où l'abréviation O.Ka.La. par laquelle ils seront désignés) ; c'est là du moins le toponyme le plus fréquent sur les adresses des dipinti amphoriques (61 occurrences), où cependant revient souvent un autre toponyme, Domitianè (26 occurrences). On se demande si Kainè Latomia n'est pas le nom du complexe carrières-village-praesidium, tandis que Domitianè serait soit le seul praesidium, soit le seul village. Quoi qu'il en soit, Domitianè est trop fréquemment mentionné pour n'être qu'un site voisin, à l'instar des autres toponymes du corpus : Sabelbi, où se trouve un hydreuma qui ravitaillait apparemment Umm Balad ; Prasou, un praesidium ; Alabarchès, où officiait l'architecte Sôkratès ; le Porphyritès bien entendu ; Melan Oros enfin, la « montagne Noire », où l'on sera tenté de reconnaître he oreine rachis tou melanos lithou orous que Ptolémée situe précisément dans la région (entre le Mons Porphyritès et le wâdî al-Hammâmât : Geogr. 4.5.27).
 Les ostraca montrent que le metallon n'a fonctionné que quelques années sous le règne d'Antonin le Pieux : les mêmes responsables, les mêmes équipes sont présentes du haut en bas de la stratigraphie du dépotoir ; les dates extrêmes mentionnées sont l'an 9 et l'an 14 d'Antonin. Les types documentaires les mieux représentés sont les lettres et les dipinti amphoriques. Parmi les lettres, on remarque deux groupes importants : la correspondance adressée au centurion Iulius Proculus et celle que reçoit l'architecte Hierônymos. Les comptes et les listes de noms sont rares ; parmi ces dernières une seule série s'impose, probablement de listes journalières de malades classés en familia et pagani (sur cette distinction, voir O.Claud. III, introduction). Parmi les membres de la familia, les noms sémitiques sont nombreux ; on est tenté de les rapprocher d'une mention du groupe des ÉIouda?oi [fig. 5], dont la présence surprend quand on sait que les Juifs avaient été physiquement éliminés d'Égypte après la grande révolte de 115-117 : des damnati ad metalla rescapés de la révolte de Bar Kochba ? Mais celle-ci a été écrasée en 135, c'est-à-dire neuf ans avant la date la plus ancienne attestée à Umm Balad. On pourrait songer alors à la révolte juive qui serait survenue sous Antonin d'après l'Histoire Auguste (Ant. Pius 5.4) .

 Quelques mots nouveaux : pogonotheke (nécessaire à barbe ?), plektarion (sens incertain), to murobrechin/murobrochin ; rares : l'ethnique Charakites, inconnu en Égypte ; un engin appelé katagoges ; il est question de mettre des « sandales » à un autre engin, le chamoulkos. Étonnante mention d'« archontes » de Kainè Latomia ; leur onomastique révèle qu'il s'agit de pagani : il n'est jamais question d'archontes dans les 9000 ostraca du Mons Claudianus, metallon autrement important ; il semblerait qu'à la même époque, une organisation administrative différente s'était mise en place dans les deux metalla. Au Mons Claudianus, les couches antoniniennes sont caractérisées sur une surabondance d'entolai (instructions mensuelles des carriers et forgerons pagani à leur quartier-maître) : Umm Balad n'a livré qu'un de ces documents ; encore appartient-il à Apollônios fils de Marsyas, personnage bien connu au Claudianus.
 
 

III. Liste du mobilier archéologique et de la documentation


Le mobilier archéologique a été rangé dans 4 cantines qui ont été remises au magasin du Service des Antiquités à Qift :

metal box 1
- inv. 1-255 : ostraca
- inv. 538-541 : 4 monnaies
- inv. 542 : un sac de morceaux de verre
- inv. 543 : une boîte de petits objets
- inv. 544- 545 : 2 bouchons en mouna estampillés

metal box 2
- inv. 256-470 : ostraca
- inv. 546 : les fragments de l'inscription latine

metal box 3
- inv. 471-537 : ostraca
- inv. 547 : textiles

metal box 4 :
prélèvements de sol (sans nr d'inventaire, mais avec l'inscription : for study only)

Les plans et les relevés sont dans les ordinateurs d'H. Cuvigny, M. Reddé et J.-P. Brun ; les négatifs des photos sont conservés à l'IFAO et ont été numérisés et copiés sur CD ; les CD sont à l'IFAO et une copie en a été remise à H. Cuvigny. Les dessins originaux de Khaled Zaza sont à l'IFAO.
Les ostraca ont été transcrits sur des fiches bristol conservées par H. Cuvigny, qui a également fait une saisie informatique des textes et constitué une base de donnée des ostraca avec le logiciel File Maker.